L’orage tonne violemment dans mon dos. Sur ma droite, des paysans se hâtent de ramasser les foins avant que la pluie s’abatte, sans doute inquiets pour leur récolte. Un foin mouillé est de très mauvaise qualité.
En moins de temps qu’il ne m’en faut pour trouver un abri, toute l’eau du ciel s’est abattue sur moi. Je n’étais pourtant plus qu’à cinq cents mètres du gîte d’étape de l’Hospitalet, quelques kilomètres avant le village de Barre-des-Cévennes. Je martèle la porte exposée aux intempéries sans que quiconque ne vienne m’ouvrir. Quelques marches plus bas, un petit poulailler m’offre un abri de fortune en attendant que la pluie cesse. Les poules ne semblent guère apprécier l’intrus. Chaussures et sac à dos pataugeant dans la fiente, je patiente, gelé, jusqu’au retour subit du soleil.
Bienvenue à l’Hospitalet!
Après une ultime tentative à la porte du gîte pour signaler ma présence, une femme, d’un âge avancé, à l’expression peu avenante, entrouvre et me dit d’un ton mi-amer, mi-moqueur: « vous n’aviez pas réservé. C’est parce qu’il pleut que vous vous arrêtez ici, sinon vous auriez filé ». Après l’averse, la douche froide ! J’espérais un accueil plus chaleureux. Quelques secondes d’hésitation me sont nécessaires avant d’accepter d’entrer chez elle, préférant finalement la nuit sous son toit plutôt qu’un repli inévitable sous ma tente.
L’intérieur n’est guère plus chaleureux. Une forte odeur animale règne dans le dortoir vide au confort très sommaire. Pas vraiment l’endroit pour passer ses vacances ! Installé dans la cuisine offrant le minimum de commodités, j’attends de la soirée qu’elle se déroule le plus vite possible car, une fois remplis mes rituels sacrés du soir (hygiène, écriture, lecture) je tourne en rond en attendant l’heure du repas.
Le mari de mon hôtesse passe et repasse d’un pas lent dans le couloir, sans prêter la moindre attention à ma présence. Il transporte un seau qui ressemble à s’y méprendre à un pot de chambre.
Maudit Stevenson !
Alors que je prépare mon dîner, fort semblable à celui des jours précédents, mon hôtesse pénètre dans la cuisine et me propose trois œufs et un fromage produit avec le lait de ses vaches. Maryse, puisque c’est son prénom, a l’allure d’une vieille femme, mais son visage paraît étonnement jeune. Ses yeux pétillent de malice et elle semble avoir un humour ravageur. Elle s’avère finalement très loquace et m’explique qu’elle est désabusée car le GR7 qui longe son gîte d’étape est depuis plusieurs années délaissé au profit du chemin de Stevenson qui passe quelques kilomètres plus à l’est. Les randonneurs se font rares. Les derniers se sont arrêtés huit jours auparavant et les prochaines réservations sont prévues pour dans deux semaines. Son affaire n’est plus rentable, elle n’a plus les moyens de rénover ses installations.