Au début, c’était drôle. Enfin pour moi
Elle était à une centaine de mètres devant. Elle marchait vite, en zig-zag, le plus près possible de la mer, cherchant cependant à franchir les filets d’eau sans y mettre les pieds, ce qui l’amenait à remonter parfois plusieurs dizaines de mètres vers le haut de la plage. Je la suivais naturellement, ne souhaitant pas plus mouiller mes chaussures. Peu à peu, je me suis rapproché d’elle. Elle a du entendre mes pas dans son dos. Il faut dire que sur la fin, j’ai accéléré car j’ai senti que la situation pouvait être anxiogène. Subitement, elle s’est arrêtée, curieuse et sans doute inquiète de voir qui la suivait ainsi.
Vous me suivez ? demanda t’elle sans inquiétude particulière
En effet, mais je ne voulais pas vous faire peur. Vous allez loin ?
Nous avons marché une trentaine de minutes ensemble. Elle avait une bonne soixantaine d’années et trottait chaque jour d’un pas rapide, en guise de ré-éducation après une opération de la hanche. Elle m’a parlé de Wissant où elle a toujours vécu, des tempêtes hivernales, de la couleur du ciel qui change en un rien de temps, des longues plages balayées par le vent au point que les baigneurs s’abritent derrière des paravents de toiles ou dans des cabanes aux couleurs chatoyantes pour se protéger des rafales. Elle m’a parlé des baignades dans la mer du Nord, pas plus froide que l’Atlantique en Gironde, de l’air iodé et vivifiant et de la simplicité des gens du Nord.
Puis elle a fait demi-tour et nous nous sommes quittés. Elle avait tout dit. A croire qu’elle avait lu dans mes pensées.