On m’en parle depuis plusieurs jours. Certains disent qu’ils connaissent quelqu’un qui l’a vu. Ou bien que c’est écrit dans le journal ! Cette fois, la bergère que j’ai interpellée pour l’informer de mon souhait de planter ma tente dans le coin pour la nuit l’a vu à plusieurs reprises. On ne peut pas se tromper, il est plutôt maigre et haut sur pattes. Il rôde autour des troupeaux et attaque le plus souvent la nuit. Il était en bas hier, à la Bastide-Puylaurent me dit-elle.
Le loup est parmi nous !
Éradiquée en France depuis un siècle environ, l’espèce est réapparue dans les années quatre-vingt dix dans les Alpes, en provenance de l’Italie. Depuis, chaque année, on observe de plus en plus de spécimens et leur présence est relevée dans un nombre croissant de départements. Ils colonisent progressivement l’hexagone en se déplaçant vers l’ouest et le nord. Je me souviens avoir lu dans la presse nationale que leur présence a été signalée à l’est de Paris. Pour l’heure, elle est avérée depuis 2012 dans les parties sud et est du département de la Lozère et à l’ouest de l’Ardèche. La bergère est intarissable sur le sujet. Et pour cause : les dégâts sont conséquents, et les éleveurs ne comptent plus les brebis attaquées. Plus question de les laisser seules la nuit. Il faut les rentrer. J’en fais des cauchemars. J’ai toujours peur qu’il s’en prenne à mon troupeau. Les inquiétudes des éleveurs sont grandes, d’autant que l’expérience de leurs confrères des Alpes n’a rien de rassurant. Les premières années, on ne voit que des loups solitaires, puis viennent les meutes qui s’attaquent aux chiens. Il n’y a rien d’autre à faire que les tuer pour réguler la population. A quoi il sert le loup? A rien ! Il n’apporte que de la misère. Plutôt que de nous rembourser les brebis mortes, le Préfet, il ferait mieux de nous autoriser la chasse aux loups. Seulement, le Préfet n’a pas le dernier mot car l’espèce est protégée par des conventions internationales.
Au moment où je la quitte, la bergère tente de me rassurer. Il ne s’attaque pas à l’homme, enfin pour le moment. Pas complètement rassuré, je reprends mon chemin en quête d’un bivouac pas trop éloigné des maisons et vérifie le bon fonctionnement de ma connexion au réseau téléphonique.